Nature et biologie | Le 26 septembre 2021, par The Conversation (France). Temps de lecture : dix minutes.
littérature & sciences humaines
Nature et biologie | Le 26 septembre 2021, par The Conversation (France). Temps de lecture : dix minutes.
Alimentation et cycles de la biomasse
Au cours du xxie siècle, nous allons devoir relever un triple défi en matière de production alimentaire : nourrir une population toujours plus importante, tout en minimisant l’impact sur l’environnement et en garantissant aux consommateurs la sécurité et la qualité des aliments qui arrivent sur leurs tables.
Il faudra pour cela accroître l’efficacité de la production. Pour y parvenir, des travaux de recherche ont révélé des alliés inattendus qui pourraient nous apporter leur aide : les micro-organismes. Voyons comment.
Bactéries, archées, champignons, algues, virus… Dans tout environnement, différents micro-organismes coexistent, interagissant entre eux et avec leur environnement. Ils forment de ce fait des communautés microbiennes qui contrôlent de nombreux processus environnementaux fondamentaux (cycles du carbone, de l’azote, etc.). La compréhension de la façon dont ces communautés s’organisent peut nous aider à contrôler et à améliorer les processus les plus pertinents pour l’être humain.
Pour cette raison, l’étude des microbiomes suscite un intérêt scientifique important. Ces travaux s’appuient sur les nouvelles technologies de séquençage, lesquelles permettent d’identifier rapidement et de façon automatisée les micro-organismes présents dans les environnements d’intérêt ainsi que de leurs fonctions. Ils fournissent les informations nécessaires pour comprendre les processus mis en œuvre par ces communautés en vue de tirer parti de leur potentiel biotechnologique.
Petite précision : on parle de microbiote pour désigner l’ensemble des micro-organismes qui cohabitent en un même endroit. Le terme microbiome a de son côté une dimension « écosystémique » tenant compte des interactions entre eux, de leurs dynamiques, des conditions environnementales qui les entourent, etc.
Si l’attention se concentre souvent sur les micro-organismes qui vivent dans notre organisme (comme ceux qui forment le microbiote intestinal), les microbiomes qui existent dans l’environnement sont eux aussi importants pour notre bien-être, qu’il soit individuel ou collectif. C’est en particulier le cas des microbiomes associés à la chaîne agroalimentaire, de la production primaire au consommateur. On les trouve dans les sols, les plantes, les animaux, les industries de transformation et, dans une moindre mesure, dans le produit final.
Comprendre leur organisation et leurs fonctions peut aider à relever certains des défis auxquels est confrontée la production alimentaire.
La surveillance des microbiomes dans les environnements de production alimentaire permet d’identifier les incidents à un stade précoce. C’est par exemple le cas des contaminations qui risquent de compromettre la qualité et la sécurité des produits.
Par ailleurs, étant donné que le type de micro-organismes présents dans certaines matières premières ou produits est conditionné par leur origine et leur environnement de transformation, le microbiome pourrait permettre de vérifier l’origine et l’authenticité de certains aliments.
Des scientifiques ont par exemple montré qu’il est possible de différencier l’origine de certains cépages utilisés dans la production de vin ou de produits à base de levain de celle d’autres cépages dont le processus de production est différent. Ces demandes pourraient être particulièrement pertinentes pour surveiller les produits bénéficiant d’une appellation d’origine protégée.
Des micro-organismes peuvent également être utilisés pour contribuer à améliorer la qualité et la sécurité de la production alimentaire. On peut ainsi envisager d’utiliser comme biopréservateurs et agents de biocontrôle ceux qui sont capables d’inhiber la croissance d’autres micro-organismes, indésirables.
Ces biopréservateurs peuvent non seulement limiter les risques de contamination dans les chaînes de production de l’industrie alimentaire, mais aussi prévenir les maladies dans les cultures, le bétail et l’aquaculture. Ils peuvent également prolonger la durée de conservation des denrées.
Leur utilisation réduit l’impact économique et environnemental des maladies ou des contaminations, et rationalise l’emploi des désinfectants et des additifs alimentaires. Elle contribue à améliorer l’efficacité des systèmes de production, un impératif pour répondre à la demande alimentaire d’une population mondiale en croissance.
Parmi les micro-organismes intéressants, ceux utilisés pour produire des aliments fermentés comme la bière, le fromage, le yaourt, le kéfir ou les olives, entre autres, méritent une mention spéciale.
Traditionnellement, la fermentation visait uniquement à modifier les propriétés organoleptiques des aliments et à prolonger leur durée de conservation. Aujourd’hui, nous pouvons déterminer quelles sont les combinaisons de micro-organismes les plus optimales pour chaque processus de fermentation, en étudiant la façon dont ils se comportent au sein de communautés microbiennes complexes.
L’objectif est d’identifier des micro-organismes à la fois robustes et inoffensifs, capables de conférer au produit final les propriétés qui nous intéressent, que ce soit au point de vue organoleptique, nutritionnel, voire de la santé. En effet, les aliments fermentés contiennent un grand nombre de micro-organismes vivants, dont certains peuvent être des probiotiques, autrement dit apporter des bénéfices pour la santé une fois consommés.
Accroître l’efficacité de la production alimentaire passe également par la réduction du volume de déchets générés tout au long de la chaîne de production. Là encore, les micro-organismes ont un rôle à jouer.
Comprendre comment les micro-organismes de notre microbiote intestinal métabolisent les composés présents dans certains déchets alimentaires peut aider à concevoir de nouveaux aliments sains à partir desdits déchets. L’inclusion de différents processus de fermentation dans les étapes de traitement des sous-produits de la chaîne de production alimentaire constitue également une option intéressante pour produire de nouveaux aliments.
Certains sous-produits de l’industrie agroalimentaire contiennent en effet des ingrédients aux propriétés nutritionnelles intéressantes, bénéfiques à la santé, qui peuvent être valorisés. C’est par exemple le cas du lactosérum, riche en protéines. Certaines recherches se sont penchées sur la possibilité de l’utiliser pour fabriquer des aliments à haute valeur ajoutée. Les résidus provenant de la transformation des céréales, des fruits et des légumes, sont quant à eux riches en polyphénols et en fibres, des composés qui peuvent avoir une influence positive sur notre microbiote intestinal et notre santé.
Les micro-organismes ont souvent mauvaise réputation dans l’opinion générale. Considérés comme des ennemis, ils sont perçus comme synonymes d’infection et de contaminations. Pourtant, certains d’entre eux ouvrent d’innombrables perspectives biotechnologiques. À tel point qu’ils pourraient contribuer à apporter des réponses aux grands défis mondiaux, notamment ceux liés aux systèmes alimentaires.
Comprendre les capacités de certains micro-organismes et des microbiomes associés aux systèmes alimentaires peut aider à restructurer ces derniers pour produire des aliments sûrs et de qualité de manière durable, qui nourrissent et protègent la santé d’une population mondiale en croissance.
The Conversation (France)
Lorena Ruiz García. Chercheure, département de Microbiologie, Alimentation et Santé, Institut des Produits Laitiers des Asturies (IPLA - CSIC)
Abelardo Margolles Barros. Institut des produits laitiers des Asturies (IPLA - CSIC)
Carlos Sabater Sánchez. Chercheur postdoctoral, Institut des Produits Laitiers des Asturies (IPLA - CSIC)
Patricia Ruas Madiedo. Chargée de recherche scientifique, Institut des Produits Laitiers des Asturies (IPLA - CSIC)
Entités nommées fréquentes : IPLA, CSIC, Institut des Produits Laitiers des Asturies.
Politique et institutions | Le 14 novembre 2024, par Urbanitas.fr.
Rechercher un article dans l’encyclopédie...