Arts | Le 30 novembre 2021, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : sept minutes.
littérature & sciences humaines
Arts | Le 30 novembre 2021, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : sept minutes.
Histoire et technique
Technique de taille-douce par excellence, délicate et difficile, la gravure au burin donne jour à des estampes aux traits d’une grande finesse. Cette maîtrise s’obtient au prix d’un long apprentissage ; aussi, à l’exception de quelques grands artistes qui s’y sont illustrés par des créations originales (en premier lieu Albrecht Dürer), les planches dessinées au burin ont pour beaucoup été l’œuvre d’artisans spécialisés, les burinistes, et souvent vouées à la reproduction de peintures.
Le burin, qui donne son nom à la technique de gravure, désigne un outil constitué d’une tige d’acier quadrangulaire, taillée en oblique à une extrémité et insérée à l’autre dans un manche en bois tourné en forme de champignon. Avec l’extrémité aiguisée de cet outil, le graveur attaque le métal de la matrice en l’y poussant lentement pour former l’entaille linéaire, plus ou moins épaisse, du trait du dessin.
La partie ronde du manche est placée dans le creux de la paume ; c’est l’avant-bras qui impulse le mouvement de l’outil. Les doigts ne sont pas repliés sous le manche, mais se positionnent sur les bords de la tige et du manche, et l’index s’appuie le long de la tige.
Le burin est conduit sur la plaque en le poussant lentement, et inclinant plus ou moins la lame, de façon à creuser des rainures plus ou moins larges et profondes. La force dans la main qui tient l’outil doit être soutenue mais modérée pour éviter la raideur et permettre de tourner l’outil et donner aux tailles de la flexion et des courbes. Pour créer un trait fin, l’artiste entame le métal avec l’outil presque à plat sur le cuivre ; en soulevant le poignet, il permet à l’outil d’entamer la matrice plus profondément, et élargit la taille.
… pour peu que vous soûleviez ensuite imperceptiblement le poignet, le burin entrera plus profondément dans le cuivre par la pointe, & élargira par conséquent la taille, si la main se remet enfin comme elle étoit en commençant, le trait finira par être aussi délicat que lorsque vous l’avez commencé.
Or cette manœuvre est essentielle pour la beauté de la Gravure & pour l’intelligence des ombres : il faut donc s’y rompre par une infinité d’essais ; il en faut beaucoup aussi pour qu’en faisant cette opération délicate, vous puissiez encore tourner votre burin en tout sens, & donner à vos tailles une flexibilité à laquelle en général la maniere de conduire cet outil qu’on pousse toûjours, semble contraire.
Claude-Henri Watelet, « Gravure », Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné…, Paris, t. 7, 1757, p. 888
Les traits courbes se traçaient aussi en faisant tourner la plaque elle-même, posée « sur un petit coussinet de cuir rempli de sable ou de son » (Watelet).
Une fois le burin passé pour former une taille, il est nécessaire de débarrasser les lignes gravées des barbes de métal formées par la coupe, à l’aide d’un outil très affûté appelé grattoir, que l’artiste passe sur les bords du trait. Pour juger le résultat des traits gravés, on noircissait la matrice avec un petit tampon imbibé d’huile et de noir de fumée.
La difficulté de la gravure consiste à suggérer par des lignes et des hachures toutes les matières du dessin. L’article « Gravure » de l’Encyclopédie, en grande partie consacré au travail du burin, donne des conseils de taille et de geste pour chaque matière à représenter : chair, cheveux, étoffes, rochers, eaux, nuages...
La diversité des solutions a conduit les artistes à développer des styles particuliers, du maniérisme aux corps très modelés d’Hendrick Goltzius (1558–1617) aux prodigieuses estampes en taille unique de Claude Mellan (1598–1688), comme le Saint Jean-Baptiste au désert (1629) ou le Linge de sainte Véronique (1649) entièrement dessiné en spirale.
Cette grande exigence dans la maîtrise des gestes fait du burin une technique plus adaptée à l’atelier des graveurs d’interprétation qu’à la spontanéité de l’invention. Certains artistes se sont fait une spécialité de la gravure de reproduction : l’Italien Marcantonio Raimondi (1480 – ca. 1534) transpose au burin des tableaux de Raphaël, l’éditeur flamand Hieronymus Cock (1518 – 1570) grave ou publie de nombreux dessins de Pieter Bruegel, le graveur français Jean Louis Roullet (1645 – 1699) s’empare de l’œuvre de Ciro Ferri (1634 – 1689), etc.
D’autre part, l’usage de l’eau-forte a très rapidement complété le travail du burin, pour les formes qui se prêtaient le moins au maniement difficile de la lame – les paysages et la végétation notamment. Surtout, l’essor de la taille indirecte à l’acide, qui permet un travail beaucoup plus libre de l’artiste (en griffant un vernis à l’aide d’une pointe), est devenu l’apanage des peintres-graveurs, comme Rembrandt au xviie siècle.
Sambuc éditeur
Entités nommées fréquentes : Gravure.
Politique et institutions | Le 14 novembre 2024, par Urbanitas.fr.
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