Nature et biologie | Le 10 novembre 2021, par The Conversation (France). Temps de lecture : six minutes.
littérature & sciences humaines
Nature et biologie | Le 10 novembre 2021, par The Conversation (France). Temps de lecture : six minutes.
Écologie des forêts primaires et secondaires
La diminution de la population microbienne dans le sol est susceptible d’affaiblir la capacité des forêts amazoniennes à capturer le dioxyde de carbone. Actuellement, cette tendance serait toutefois en train de s’équilibrer, à travers la conversion en forêt secondaire des pâturages abandonnés en Amazonie.
Sous les forêts luxuriantes de l’Amazonie se cache un tout autre niveau de diversité qui, selon de nouvelles recherches, pourrait être l’une des clés pour comprendre comment endiguer les effets de la déforestation à l’échelle mondiale.
La forêt amazonienne est connue comme l’un des principaux lieux de diversité biologique sur la Terre. Elle contient au moins 40 000 espèces végétales, 5500 animaux et 100 000 insectes. Ces espèces ont été une grande source de découverte de nouveaux médicaments, dont l’utilisation a été approuvée pour au moins 120 d’entre eux. À côté de cette très grande diversité végétale et animale, cet écosystème reste l’un des moins connus dans sa diversité microbienne. On compte environ cent millions de micro-organismes dans un seul gramme de sol forestier, ce qui en fait le plus grand réservoir de gènes nouveaux dans le monde1.
Ces microbes sont essentiels au recyclage des nutriments. Ils décomposent la matière organique morte, par un processus appelé minéralisation, libérant des nutriments minéraux que les plantes absorbent par leurs racines, permettant ainsi à la forêt de se développer. En grandissant, les arbres capturent le dioxyde de carbone de l’air par le processus de photosynthèse et, en Amazonie, ce processus se produit à des niveaux impressionnants. En raison de sa taille, la forêt absorbe chaque année 1,5 milliard de tonnes de CO2 de l’atmosphère, ce qui en fait le plus grand puits de carbone terrestre.
De grandes quantités d’azote sont nécessaires pour que l’Amazonie joue son rôle de puits de carbone. Dans la forêt tropicale, cet azote provient principalement du processus naturel de fixation de l’azote réalisé par des microbes appelés diazotrophes. Ils décomposent les molécules d’azote qui sont essentielles à tous les êtres vivants. Mais jusqu’à présent, personne ne s’était penché sur la façon dont la fonction de ces microbes change lorsqu’une forêt tropicale est convertie en pâturage suite aux coupes de défrichage2, ce qui se produit à un rythme alarmant dans de nombreuses régions de l’Amazonie.
Dans un travail publié dans la revue Applied and Environmental Microbiology, nous avons constaté un changement étonnamment important dans la composition de la communauté microbienne lorsque les forêts tropicales deviennent des pâturages, ce qui confirme des études antérieures. Cela peut avoir des conséquences importantes sur le cycle des nutriments dans le nouvel écosystème.
Toute modification du cycle de l’azote est susceptible d’affecter le cycle du carbone et la capacité de la forêt à capturer le dioxyde de carbone présent dans l’air. Le processus de déforestation entraîne un ajout de 1,6 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par an, ce qui augmente considérablement la proportion de gaz à effet de serre sur la surface terrestre.
Si ces résultats confirment l’impact de la déforestation, ils offrent également un certain espoir.
Notre examen a révélé qu’environ 50 % des pâturages abandonnés de l’Amazonie sont en train de se transformer en forêt secondaire. Il s’agit d’un processus qui se produit le plus souvent par hasard, et lorsque cela se produit, les communautés diazotrophes ont tendance à retrouver une composition similaire à celle de l’ancienne forêt.
Les résultats impliquent qu’il est encore temps de conserver l’immense diversité génétique des microbes, sources de nouveaux antibiotiques et absorbeurs de dioxyde de carbone. En outre, grâce à nos résultats, nous pouvons commencer à concevoir de nouvelles méthodes pour faciliter le rétablissement des écosystèmes perturbés – imaginez la réinjection d’un cocktail de microbes pour aider à la restauration des écosystèmes.
À tout le moins, nos recherches montrent clairement qu’en Amazonie, les invisibles microbes en font autant que les arbres, aujourd’hui disparus, pour la conservation de l’environnement.
The Conversation (France)
Jorge Rodrigues, professeur adjoint de biologie, Université du Texas Arlington.
Note 1. Gènes nouveaux, ou gène de novo. La naissance de gènes de novo est le processus, encore assez mal compris, par lequel de nouveaux gènes se forment à partir de séquences d’ADN qui étaient originellement non génétiques.
Note 2. La conversion des forêts primaires en pâturages dans la région amazonienne est formée par l’abattage sélectif du bois de valeur, suivi de brûlis et de l’ensemencement de graminées (plantes du genre Urochloa) afin d’établir des parcelles pour l’élevage du bétail (principalement des bovins).
Entités nommées fréquentes : Amazonie.
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