Histoire | Le 10 janvier 2023, par André Roussainville. Temps de lecture : dix minutes.
littérature & sciences humaines
Histoire | Le 10 janvier 2023, par André Roussainville. Temps de lecture : dix minutes.
Organisme de recherche français, 1949-1984
Créé en 1949 à l’initiative de la Commission de modernisation et d’équipement des territoires d’outre-mer, le Centre technique forestier tropical (CTFT) s’inscrit dans la découverte, tout au long du xxe siècle, des essences de bois tropicales et leur utilisation progressive dans l’industrie. Héritier des premières missions forestières en Afrique de l’Ouest, il mène une prospection systématique des bois tropicaux dès la fin des années 1950, dans les colonies françaises puis dans l’ensemble des régions tropicales. Le CTFT est dissous en 1984, ses activités s’intégrant au nouveau Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Initiée par le premier conflit mondial, la recherche technique et botanique sur les essences tropicales (acajous, iroko, aiélé, bois d’ébène, etc.) prend son essor au début des années 1950 avec la création du Centre technique forestier tropical (CTFT). Ces bois souvent très durs et difficiles à travailler sont alors mal connus – d’autant que leur nombre ne cesse de s’accroître au fil des enquêtes de terrain –, et leur usinage n’est pas maîtrisé. Densité, dureté, résistance à traction et à compression, rétractibilité ou élasticité sont autant de paramètres que les laboratoires constitués cherchent à estimer, pour intégrer ces essences à une production jusque-là limitée aux bois d’Europe et à quelques essences étrangères.
Entre les années 1910 et la deuxième moitié du xxe siècle, la connaissance en France de ces bois exotiques s’est accrue de façon spectaculaire : depuis les missions de prospection menées par Eugène Salesses et André Bertin en 1916-1917, surtout limitées à l’Afrique de l’Ouest, jusqu’aux collectes systématiques du CTFT dans les anciennes colonies puis dans l’ensemble des régions tropicales, un grand nombre d’essences ont intégré l’industrie et l’artisanat, comme bois d’œuvre mais aussi pour la production de pâte à papier.
Si l’enjeu résidait alors, avant tout, dans l’exploitation industrielle de la masse forestière fournie par les colonies, ces bois sont aujourd’hui en grande partie employés comme des bois précieux, ayant une place de choix dans l’atelier du marqueteur ou dans la parqueterie de luxe ; surtout, l’étude de ces bois tropicaux s’est peu à peu orienté vers la préservation d’espèces pour une grande part menacées. Ce fut notamment le cas dès 1973 pour le commerce du bois, avec la signature à Washington de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
1916-1919. — En 1916, durant la Première Guerre mondiale, est conduite à l’initiative du ministère de l’Armement et des fabrications de guerre une mission forestière de prospection systématique des ressources en bois, sur les territoires qui constituaient alors les colonies françaises. Cette mission, confiée au polytechnicien Eugène Salesses (1858-1931), parcourra les zones forestières des colonies françaises d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, recueillant des renseignements sur les différentes essences, et fera expédier en France de nombreux échantillons. Elle se déroulera de décembre 1916 à novembre 1917.
1917. — Une deuxième mission, menée en parallèle de la première (avec l’appui des échantillons reçus) est dirigée par l’inspecteur des eaux et forêts André Bertin (1879-1956). Afin de connaître les caractéristiques des essences récoltées, les responsables de la mission forestière coloniale décidèrent de créer un centre spécial pour effectuer des essais de laboratoire sur les bois tropicaux. Ce laboratoire spécialisé, installé à Nogent-sur-Marne, sera d’abord rattaché au ministère de l’Armement, puis au ministère des Colonies et à celui de la France d’outre-mer.
1918-1920. — Les recherches sur les essences de bois tropicaux connaissent une pause durant l’entre-deux-guerre. Toutefois, leur utilisation dans l’industrie française a progressé, les études et les enquêtes botaniques de la période de guerre ayant permis de mieux les connaître et maîtriser leur usinage.
1923. — Nommé chef du service des bois coloniaux au ministère des Colonies, André Bertin obtient la création du cadre des Eaux et Forêts coloniales en 1923, et l’installation d’un laboratoire des bois coloniaux l’année suivante dans le jardin colonial de Nogent-sur-Marne. Après avoir changé plusieurs fois de tutelle, cet embryon de laboratoire est transféré à la section technique d’agriculture coloniale de 1939 jusqu’en 1942.
1942. — La Deuxième Guerre mondiale ranime les recherches sur les bois exotiques, avec la création en 1942 de la section Technique forestière de l’inspection générale des Eaux et Forêts, qui reprend en charge le laboratoire de Nogent.
1947. — Pour permettre de relancer l’économie des colonies, la Commission de modernisation et d’équipement des territoires d’outre-mer propose la création d’un institut de recherches forestières tropicales. L’objectif est de faire en sorte que l’exploitation des forêts tropicales françaises puisse s’appuyer sur des connaissances scientifiques et techniques précises.
1949. — Création, par l’arrêté du 10 mai 1949, du Centre technique forestier tropical sous la forme d’une société d’État (selon l’article 2 de la loi du 30 avril 1946), dotée de la personnalité civile et de l’autonomie financière. La recherche se concentre sur l’amélioration des connaissances de la résistance des bois tropicaux aux principaux facteurs de dégradation biologique (champignons, termites, etc.), ou encore l’imprégnabilité des produits de conservation.
1952-1963. — Création de la division des exploitations forestières, ce qui permet au CTFT de sortir des seuls essais en laboratoire pour poursuivre la prospection. Entre 1952 et 1963, le département a principalement étudié la pathologie des grumes récemment abattues et des coupes fraîches, en vue de l’exportation du bois des colonies. Ces travaux, qui visent à comprendre les phénomènes de dégradation et à rechercher des méthodes de préservation, sont menés en étroite collaboration avec les fabricants de produits de conservation du bois, et conduisent à développer des formules efficaces, dont certaines sont encore sur le marché aujourd’hui.
1954. — Le 17 mars, inauguration des bâtiments du CTFT à Nogent-sur-Marne, après plusieurs années de travaux dédiés à l’installation des équipements de laboratoire.
1955. — Le Centre technique forestier tropical est conduit à s’occuper de recherches générales sur les questions forestières. Avec l’accession à l’indépendance des États africains et malgache, le Centre prendra en charge leurs recherches forestières dans le cadre d’accords de coopération.
1956. — Une division de pêche et pisciculture est créée au CTFT.
1958. — Création, à Pointe-Noire au Congo et à Libreville au Gabon, des premiers centres outre-mer du CTFT. Par ailleurs, joignant la gestion des eaux douces et les questions forestières, le Centre technique forestier tropical devient chargé de la recherche sur la pêche et la pisciculture dans les eaux intérieures tropicales.
1961. — Création d’un centre à Madagascar (Tananarive).
1962. — Création d’un centre outre-mer à Abidjan en Côte-d’Ivoire.
1963. — Création du centre commun de Niamey au Niger et en Haute-Volta.
1964. — Création d’un centre de recherche du CTFT au Cameroun (Douala).
1965. — Création d’un centre outre-mer à Dakar au Sénégal.
1967. — Création d’un centre outre-mer à Nouméa en Nouvelle-Calédonie.
1969. — Le CTFT débute des récoltes systématiques d’espèces et de provenances, en Amérique et en Asie tropicales et en Océanie, grâce aux ressources du Bureau des études techniques (BET) et à des crédits du Fonds d’aide et de coopération (FAC). Cette année-là, deux campagnes de collectes d’essences sont organisées : pour les pins tropicaux, en Amérique latine centrale, et pour le teck en Asie du Sud-Est. Dans le bilan de la matière bois établi par le ministère de l’Agriculture pour l’année 1969, les bois tropicaux correspondent à environ 2 800 000 m3 sur une consommation apparente de 8 739 000 m3 de bois d’œuvre feuillus (calculé en « équivalent de bois rond »).
1972-1975. — Campagne de collectes systématiques d’essences hors outre-mer : eucalyptus et les acacias en Australie, Timor, et aux Célèbes.
1978. — Collectes d’espèces en dehors des outre-mer , en Amérique tropicale : pins et les feuillus tropicaux (Cordia, Cedrella).
1980. — Nouvelle campagne de collecte en Australie (421 lots récoltés).
1981-1984. — Campagne de collectes d’espèces en dehors des outre-mer : Terminalia superba, Acacia albida, etc.
1984. — Un arrêté du 14 décembre dissout le CTFT, dont les activités sont reprises par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) créé en juin 1984.
André Roussainville
Rene Catinot, Le Centre technique forestier tropical. 1916-1984, Paris, CIRAD, coll. « Autrefois l’agronomie », 1994.
« Arrêté du 14 décembre 1984 portant dissolution du Centre technique forestier tropical », Journal officiel de la République française, n° 0293 du 15 décembre 1984 (legifrance.gouv.fr).
Auguste Chevalier, « Une exploitation industrielle des Bois de la forêt équatoriale africaine d’après M. Léon Géraud », Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 1928, vol. 81, p. 322-333 (persee.fr).
Jacques Morellet, « Le Centre technique forestier tropical », Revue forestière française, 1973, vol. 25, p. 5-18 (hal.science).
Entités nommées fréquentes : Centre, CTFT, France, André Bertin, Nogent-sur-Marne, Amérique.
Politique et institutions | Le 14 novembre 2024, par Urbanitas.fr.
Rechercher un article dans l’encyclopédie...