Arts | Le 22 octobre 2021, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : six minutes.
littérature & sciences humaines
Arts | Le 22 octobre 2021, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : six minutes.
Compte-rendu d’événement
Ce 19 octobre 2021, l’Institut national d’Histoire de l’art (INHA) a accueilli, dans les murs de sa majestueuse bibliothèque, la première conférence de « L’art entre les lignes ». Cette nouvelle série de rencontres, qui proposera cinq événements par ans, a vocation à promouvoir l’histoire et la connaissance de l’art auprès du grand public. La rencontre de ce mardi rassemblait l’historien Krzysztof Pomian, la directrice de l’Institut du monde arabe Nathalie Bondil et le professeur d’histoire de l’art contemporain Rémi Labrusse. Elle était consacrée aux musées, et au rôle de ces institutions.
Qu’est-ce que le musée ? En quoi cette institution est-elle essentielle ? Tels étaient les thèmes de réflexions proposés aux invités, lors de cette soirée animée par Fabien Simode, directeur de la revue L’Œil.
Krzysztof Pomian est revenu, à l’invitation de Fabien Simode, sur l’origine de son regard porté sur les musées et les collections, en particulier à travers ses derniers ouvrages. K. Pomian envisage l’histoire comme une discipline problématique : comment se fait-il que nous prétendions connaître le passé ? Et surtout, quelle est la mesure de cette prétention ? La réponse qui lui est apparue nécessaire n’est pas celle d’une méthode, d’une épistémologie, mais un angle historique : celui de l’évolution, au fil des siècles, du regard que les civilisations ont porté à un passé, entre investigation et fantasmes.
Les collections – dont les musées sont un cas particulier – s’offrent comme un objet d’étude privilégié de cette histoire du regard. Elles regroupent ce que leur historien et philosophe a nommé des sémiophores, des « porteurs de sens » : les objets qui forment une collection représentent, pour Krzysztof Pomian, ce lien particulier au passé, qui varie avec les époques et les lieux.
Le musée, en présentant une collection, interroge la place, dans les sociétés, du visible – à travers l’ostentation publique – et de ce qui ne l’est pas : ce qui n’est présent que comme trace, comme empreinte – en l’occurrence celle du passé. À travers cette « scène symbolique », sont véhiculées des histoires, celles des pièces d’art ou d’archéologie présentées et exposées. Ces histoires peuvent être épiques, et toucher à la constitution de la collection elle-même, comme la spoliation, au xixe siècle, d’œuvres italiennes transportées vers le Louvre.
Au-delà des histoires, des récits périphériques ou anecdotiques, les pièces de musée ou de collection publique présentent une valeur de modèle, d’exemplaire. Elles s’offrent, aux copistes contemporains, comme des exemples tirés du passé, comme des « effets de réel ». La copie d’après ancien est plus qu’une simple admiration pour des chefs-d’œuvre d’artistes classiques : elle est le lien qu’entretient le créateur d’une époque avec les arts et les cultures du passé.
En parallèle aux regards et aux scénographies (plus ou moins ludiques ou ostentatoires) de la matérialité, le musée pose la question du lieu et de la propriété des collections. Rémi Labrusse, enseignant-chercheur à l’université Paris–X, rappelle ainsi l’importance, dans la constitution de collections, de la violence et de la spoliation. Les nombreuses restitutions intervenues ces dernières années donnent ainsi le jour à de nouveaux musées, qui contribuent à reconstruire une histoire nationale et s’adressent à un public nouveau. Le phénomène de multiplication des musées dans le monde (M. Pomian rappelle qu’à l’heure actuelle, environ 100 000 musées existent dans le monde entier, dont 20 000 se sont créés en l’espace de quelques décennies) correspond aussi à ce besoin de multiplier et croiser les publics et les approches. Nathalie Bondil, historienne de l’art et directrice de l’Institut du monde arabe, insiste sur « l’acte volontaire de constitution muséale », et de la figure du mécène comme « ambassadeur des arts », à travers les créations de commandes ou les dons de collections privées, à l’origine des fonds de nombreux musées publics.
Ponctuée de lectures d’œuvres des invités par un jeune comédien, la soirée s’est close sur la présentation de l’ouvrage Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? (rééd. Thames & Hudson, 2021) par la responsable du fonds Jacques Doucet à l’INHA.
Sambuc éditeur
Préface d’Annamaria Ducci. Édition présentée et annotée par Raphaël Deuff, illustrée de gravures.
Essais | Coll. Sambuc | octobre 2019
Illustrations de Pierre Brughel.
Littérature française | Revue littéraire L’Eau-forte | septembre 2020
Essai sur les tombeaux étrusques de Corneto (Tarquinia). Édition avec dossier.
Littérature française | Coll. Édisolum | juillet 2017
Entités nommées fréquentes : Pomian, Institut, Coll.
Politique et institutions | Le 14 novembre 2024, par Urbanitas.fr.
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