Actualités culturelles | Le 19 décembre 2024, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : dix minutes.
littérature & sciences humaines
Actualités culturelles | Le 19 décembre 2024, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : dix minutes.
Exposition d’art contemporain en France
Du 15 novembre 2024 au 13 avril 2025, le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (MAC VAL) à Vitry-sur-Seine propose une exposition inédite consacrée au fait divers. Première du genre, cette manifestation culturelle a obtenu le label « Exposition d’intérêt national », et réunit près de 80 artistes autour d’une problématique audacieuse : explorer les mécanismes du fait divers à travers l’art contemporain.
Imaginée par le directeur du MACVAL Nicolas Surlapierre et l’historien de l’art Vincent Lavoie, l’exposition « Faits divers. Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse » s’articule autour d’un riche programme : explorer et déconstruire le récit du fait divers, ce phénomène à la frontière entre journalisme, sociologie et histoire des mentalités, à travers la création artistique contemporaine.
Le vernissage, qui s’est tenu le 14 novembre 2024, a marqué le lancement de cette aventure artistique où chaque œuvre devient la pièce d’un puzzle interprétatif complexe.
Étaient présents, outre les deux commissaires MM. Nicolas Surlapierre et Vincent Lavoie, M. Frank Lamy, responsable des expositions temporaires au MACVAL (et qui avait assuré le commissariat de l’exposition Lignes de Vie en 2019), Mme Déborah Münzer, vice-présidente du Val-de-Marne, ainsi que trente des artistes exposés.
L’exposition, qui puise en partie dans le fonds du Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, regroupe 70 artistes abordant toutes les formes plastiques, de la photographie à l’installation, pour cette première rétrospective abordant ce sujet à travers l’art, et qui a obtenu l’important label « exposition d’intérêt national » décerné par le ministère de la Culture.
Car, si de grandes expositions avaient déjà été consacrées au fait divers — celle, par exemple, du Musée national des arts et traditions populaires (« Le Fait divers », 19 novembre 1982-18 avril 1983), ou plus récemment l’exposition « Images & faits divers » organisée au Musée de l’image d’Épinal du 5 novembre 2022 au 28 mai 2023 — le MACVAL innove en explorant le fait divers sous un angle exclusivement artistique.
Lors de son discours au vernissage, Nicolas Surlapierre et Vincent Lavoie évoquent plusieurs aspects du travail commun des deux commissaires pour la préparation de ce temps fort qui durera jusqu’en avril 2025.
Le fait divers vu à travers l’art est compris par le directeur du MACVAL et l’historien comme un jeu de narration entre le prévisible et l’imprévisible, le quotidien, banal, et l’extraordinaire. Leur exposition se déploie à travers un ensemble de dispositifs, d’installations, de pièges.
Catalogue de l’inclassable et du divers, l’exposition se réclame aussi bien du musée Grevin (le moulage en cire de la main de Jean-Baptiste Troppmann, auteur du « massacre de Pantin », est d’ailleurs exposé) que de l’hôtel des ventes du commissaire-priseur et de l’inventaire après décès.
Le visiteur y naviguera au milieu de peintures — comme les huiles grand format et fracassantes du peintre espagnol Eduardo Arroyo, ou les scènes bleutées de Jacques Monory —, d’estampes — avec la truculente série de monotypes de Didier Paquignon, croquant des anecdotes sordides tirées de la presse au fil des ans — de photographies — Claude Closky, Corinne May Botz, Natascha Niederstrass, Nicolas Descottes... — de nombreuses vidéos — Brognon Rollin, Absalon, Nina Laisné, Michel Journiac... — et installations mêlées d’objets d’archives — moulages en cire, malles, vêtements — ou encore des sculptures. De nombreuses œuvres détournent des objets (plus ou moins) quotidiens, comme dans la série de photographies de Camille Gharbi, Preuves d’amour, qui met en scène les armes du féminicide conjugal (balles de pistolet, mais aussi couteau, marteau ou briquet), accompagnées de la mention de femmes tuées par leur mari avec l’objet en question.
Pour Nicolas Surlapierre, le fait divers est aussi un marqueur et une manifestation de l’opinion, et donc aussi « des incertitudes et des retournements du jugement populaire ou collectif ». C’est aussi, en soi, un « ratage, un lapsus sociétal », signe précieux d’une époque. Il offre un focus, drôle ou tragique, sur le « détail qui tue », et invite à une sorte de « revanche des objets ».
Sa mise en scène suppose dans le même temps de la rigueur, et une certaine mise à distance, tout comme le travail du journaliste suppose une éthique — parfois malmenée au profit du sensationnel.
Historiquement, le terme « fait divers » apparaît en 1863, dans le périodique Le Petit Journal créé par Moïse Polydore Millaud (1813-1871) : ce premier quotidien populaire, peu coûteux à produire suite à l’invention des presses rotatives (il est vendu 5 centimes, un tiers du prix des concurrents), se distingue en proposant, à la façon des almanachs, un contenu distrayant mêlant chroniques, feuilletons, horoscopes, et un florilège des fameux faits divers.
Fait par essence inclassable, le fait divers décrit ce qui réside hors du commun, des événements de tous les jours. Il demeure toutefois intelligible et compris de tous, en s’inscrivant dans un certain nombre de schémas narratifs plus ou moins stéréotypés : crime passionnel ou crapuleux, actes de bravoure, accidents malheureux, etc.
Le fait divers procéderait d’un classement de l’inclassable, il serait le rebut inorganisé des nouvelles informes... désastres, meurtres, enlèvements, agressions, accidents, vols, bizarreries, tout cela renvoie à l’homme, à son histoire, à son aliénation, à ses fantasmes, à ses rêves, à ses peurs...
Roland Barthes, Essais critiques, 1966
Son récit, dans la presse où il apparaît dès le xvie siècle sous la forme de chroniques dans les premières brochures populaires — avec des récits de meurtres, d’actes de sorcellerie ou de difformités monstrueuses, mis en scène au sein de l’exposition par l’artiste Agnès Geoffray dans Canards sanglants — met bientôt en exergue, au xixe siècle, la contradiction qui s’instaure dans les organes de presse à grande diffusion entre l’appétit des lecteurs pour le sordide, et la préservation de la sphère privée, tout comme le respect de la morale professionnelle. Ce difficile équilibre explique sans doute la connotation assez franchement péjorative prise par l’expression « faits divers », ou « rubrique des chiens écrasés », à compter de la seconde moitié du xxe siècle.
Même s’il met parfois en scène des sauveteurs (d’une noyade, d’un incendie...) faisant alors figure de « héros d’un jour », le fait divers est, plus souvent, le théâtre de diverses transgressions : de la loi, de l’ordre social, ou encore de la nature, dans le cas des catastrophes naturelles.
Récit d’une transgression, le fait divers revêt alors, comme sa grande sœur la littérature (qui en tire souvent sa matière), une fonction clairement cathartique, celle d’une « transgression par procuration » : il fait figure de « champ ouvert où le lecteur serait invité à projeter ses propres fantasmes » (Monestier, 1982).
Ce lien congénital du fait divers à l’art est particulièrement affirmé dans l’installation vidéo et scénographique de Pierre Huyghe, The Third Memory (1999), qui réactive le fait divers, un braquage de banque qui tourne mal, à l’origine du film Un après-midi de chien (Dog Day Afternoon, 1975) de Sydney Lumet.
Dans la presse populaire, (le fait divers) est généralement illustré : la photo accrédite sa réalité, l’authentifie. Le choix des titres vise à capter l’attention du public, mais, assez souvent, le titre en promet plus que la chronique n’en tient !
Christine Leteinturier
Vincent Lavoie, commissaire associé à Nicolas Surlapierre, indique sa recherche pour introduire dans l’exposition « Fait divers » le médium photographique — forme artistique par excellence de la « pulsion scopique » et « berceau » du désir de voir et connaître. Mais en évitant l’écueil du documentaire : « Nous avons cherché des formes de photographie témoignant d’une démarche proprement artistique, non pas des images objectivantes qui se contenteraient d’affirmer pour répondre à un désir de voir et de savoir, mais un choix de clichés qui déçoivent cette attente et introduisent le doute ».
Jusqu’au 13 avril 2025 à Vitry, les visiteurs sont invités à parcourir cette cartographie sensible des faits divers, où l’art se transmue en un laboratoire d’analyse et de déconstruction des récits qui façonnent notre perception du monde. Une exposition à ne pas manquer, pour qui s’intéresse aux frontières entre réalité, fiction et représentation.
Urbanitas.fr
Eduardo Arroyo : Heureux qui comme Ulysse... Huile sur toile (1977)
Agnès Geoffray : Canards sanglants. 35 feuilles de papier cristal manuscrites, ventilateur (2015).
Camille Gharbi : Preuves d’amour. Série de photographies (2018).
Pierre Huyghe : The Third Memory. Deux projections vidéo, articles de journaux, affiche, tubes fluorescents (1999)
Didier Paquignon : Le Coup du lapin, et autres histoires extravagantes. Série de monotypes sur papier accompagnés d’un texte (2018).
« Faits divers — Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse ». Exposition collective
Dates : du 15 novembre 2024 au 13 avril 2025
Fiche de l’exposition : Faits divers - Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse (macval.fr)
MAC VAL — Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine
Tél. : 01 43 91 64 20
Ligne de métro 7 ou tramway T3 arrêt Porte de Choisy.
Puis T9 arrêt MAC VAL.
Le musée vous accueille du mardi au dimanche de 11h à 18h. Accueil des groupes du mardi au vendredi de 10h à 18h. Fermeture les 1er janvier, 1er mai, 15 août et 25 décembre.
Créé en 1999, l’appel à projets « exposition d’intérêt national » vise à susciter, au sein des musées territoriaux, « des expositions majeures et une politique culturelle et éducative de qualité », en direction du public le plus diversifié.
La sélection des projets présentés est conduite en fonction de la qualité scientifique de la curation, et du caractère innovant des actions de médiation culturelle accompagnant l’exposition.
Un label distinctif est attribué aux projets retenus, favorisant entre autres une large diffusion de l’exposition et le tissage de partenariats pour l’institution muséale accueillant l’exposition. Outre le label, l’exposition reconnue d’intérêt national bénéficie également de subventions exceptionnelles.
Le label « exposition d’intérêt national » participe de la politique d’action territoriale du ministère de la Culture, à travers la mise en valeur des partenariats noués entre différents musées de France ou avec des musées nationaux. Le dispositif favorise également la circulation d’œuvres des collections nationales au sein des territoires, renforçant l’attractivité touristique et culturelle des régions de France.
L’exposition « Fait divers » a constitué la première candidature du MACVAL au label d’Exposition d’intérêt national.
Ressource : Plongez au cœur de l'exposition "Faits Divers" au MAC VAL ! - France Culture (radiofrance.fr)
Ressource : Le fait divers mis en scène par 80 artistes au MAC VAL (culture.gouv.fr)
Ressource : The Third Memory - Centre Pompidou (centrepompidou.fr)
Ressource : FAIT DIVERS - Encyclopædia Universalis (universalis.fr)
Ressource : OPINION - Définition (cnrtl.fr)
Ressource : Images & faits divers (2023) (museedelimage.fr)
Ressource : Label d'Exposition d’intérêt national (EIN) (culture.gouv.fr)
Ressource : Code du patrimoine - LIVRE IV : MUSÉES (Articles L410-1 à L452-4) (legifrance.gouv.fr)
Entités nommées fréquentes : Val-de-Marne, Musée, Vincent Lavoie, MACVAL, Nicolas Surlapierre, Faits, MAC VAL, Culture, The Third Memory, Exposition.
Sciences humaines | Le 22 décembre 2024, par Raphaël Deuff.
Le saramaka (saamaka) est une langue régionale des régions françaises. Elle est parlée en Guyane.
Sciences humaines | Le 22 décembre 2024, par Raphaël Deuff.
Rechercher un article dans l’encyclopédie...