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Sciences humaines | Le 18 juin 2022, par André Roussainville. Temps de lecture : quinze minutes.


Archéologie

Vocabulaire et notions générales

Science qui vise à la reconstruction des civilisations et sociétés du passé par l’étude des preuves matérielles (monumentales, épigraphiques, numismatiques, artefactuelles, etc.), l’archéologie se caractérise par une méthode de terrain, faisant intervenir la reconnaissance topographique et la fouille. À partir de l’époque contemporaine, l’utilisation des sciences physiques, de la chimie, et d’un nombre croissant de spécialités a élargi l’éventail des instruments de fouille et d’analyse des objets d’étude archéologiques. Mais l’archéologie se caractérise aussi par une éthique, qui se matérialise dans un cadre institutionnel propre à cette discipline.

© Sambuc éditeur, 2024

L’archéologie est la science, ou le champ disciplinaire, qui étudie les sociétés humaines à travers leurs vestiges matériels. Ces vestiges peuvent être des artefacts (outils, poteries, armes, pièces de monnaie, bijoux, vêtements) ou des traces de présence (empreintes de pas, ossements, pistes, bâtiments, infrastructures).

Aux origines : de l’érudition à la science

Les artefacts, et en particulier les objets d’art, ont joué un rôle central dans la formation de la discipline, qui fut à l’origine une pratique d’accumulation et de classification des objets du passé, avant de se constituer en science à partir du xixe siècle. L’étude des vestiges prend en effet racine, au cours de la Renaissance, dans les collections particulières ou princières1, qui amassaient les vestiges de l’antiquité – objets d’art, médailles, monnaies anciennes… – avec, particulièrement en Italie du fait du passé romain, un intérêt marqué pour l’histoire nationale2. Ces collections s’intéressaient avant tout à l’aspect esthétique ou savant des objets qu’elles assemblaient, et étaient le fait d’érudits et d’humanistes, qui cherchaient à dater ou à attribuer des œuvres, à déchiffrer des inscriptions numismatiques (pièces et médailles), etc.

Au cours du xviiie siècle, époque des encyclopédistes, la collection des objets anciens prend un tour davantage scientifique : Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) présente une théorie de l’étude archéologique, qui reste toutefois centrée sur les objets d’art.

L’histoire de l’archéologie est donc étroitement liée à son détachement de l’histoire de l’art pour devenir un champ disciplinaire à part entière au sein des sciences humaines : une étude des sociétés à travers leur production matérielle3.

Cette élaboration de la discipline est aussi liée à une éthique particulière du rapport au passé et au patrimoine. Ainsi, l’archéologie préventive vise à préserver les témoins de l’histoire des hommes, sans distinction de la valeur esthétique ni hiérarchie culturelle.

Cette éthique de la science archéologique est aussi liée à l’instrumentalisation idéologique dont l’étude de l’histoire des société a pu être l’objet, dans des contextes divers4. Enfin, plus généralement, l’archéologie mobilise un cadre normatif relatif aux pratiques de cette discipline : fouille de restes humains, prévention contre le pillage des sites archéologiques, relations des chercheurs avec les populations locales, relations entre professionnels et amateurs, etc.

Ce cadre normatif s’inscrit aujourd’hui dans les institutions qui relèvent de l’archéologie – en France, entre autres, le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA), les Commissions territoriales de la recherche archéologique (CTRA), les services régionaux de l’archéologie (SRA), etc. – et en fait une discipline dont l’exercice est encadré.

Modes et étapes de l’archéologie

L’objet de l’archéologie est de repérer, de mettre au jour, d’analyser et d’étudier les vestiges laissés par l’occupation humaine. Ce travail de recherche, qui aboutit en général à l’exposition publique des résultats de fouille (accueil de visiteurs sur site, expositions en musées...) suit ainsi une série d’étapes séquentielles.

L’opération archéologique commence par une prospection : cette méthode vise à recenser toutes les traces laissées par les sociétés humaines dans leur environnement physique et leur habitat. C’est une approche en amont de la fouille, qui répond à la question : « où est-il pertinent de chercher ? »

Interviennent ensuite des sondages : il s’agit de l’exploration locale d’un environnement donné afin de détecter la présence d’éléments historiques pertinents et exploitables. Une fois qu’un site archéologique a été identifié, son potentiel archéologique est de la sorte évalué avant d’entreprendre la fouille proprement dite.

L’étape suivante est la fouille, au cours de laquelle les vestiges sont extraits de leur environnement et mis au jour. Cette opération commence par la préparation du terrain et l’élaboration d’un plan d’excavation. Lors de l’exhumation, et avant d’être transféré à la base archéologique pour y être nettoyé, le matériel archéologique est caractérisé par le lieu de sa découverte, la surface et le numéro de la couche ou de la structure.

Enfin, les relevés archéologiques consistent à déterminer les coordonnées d’une structure archéologique sur un référentiel en trois dimensions, et à les référencer géographiquement, c’est-à-dire les positionner sur une carte IGN. L’étude des objets d’après leur modélisation en trois dimensions, apparue avec l’outil informatique, a également pris une place importante.

En France, une recherche archéologique peut, dans certains cas, prendre la forme d’un projet collectif de recherche (PCR). Les projets collectifs de recherche sont soumis au service régional de l’archéologie (SRA) pour obtenir un soutien financier de l’État. Ils rassemblent des archéologues de différentes institutions et sont destinés à soutenir les politiques scientifiques régionales.

On distingue deux types d’opérations archéologiques. Le terme d’archéologie programmée est utilisé pour les opérations engagées à des fins de connaissance et de recherche scientifiques, afin d’étudier un site archéologique dans le temps long.

L’archéologie préventive, quant à elle, touche notamment aux questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Elle concerne les opérations qui visent à garantir l’étude du patrimoine lorsqu’il est menacé par des travaux d’aménagement.

En moyenne, en France, 1000 opérations archéologiques programmées sont autorisées chaque année, dont 250 sont des fouilles. Mais l’archéologie prend aujourd’hui, dans plus de deux tiers des cas, une forme préventive, et environ 2200 diagnostics et 450 fouilles préventives sont réalisés tous les ans.

Documentation et banques de données archéologiques

L’archéologie est une discipline d’érudition. L’archéologue y progresse en étudiant des collections d’objets, en visitant les sites archéologiques, en lisant régulièrement et abondamment la littérature académique et en consultant les corpus d’objets publiés. Depuis relativement peu d’années et progressivement à partir des années 1980, l’archéologue peut avoir accès à ces informations sans être obligé de les consulter dans une bibliothèque, dans les réserves d’un musée ou sur le terrain. Il le peut parce que les données sont numérisées, enregistrées et organisées dans des systèmes qui sont interrogeables à travers un réseau informatique (Internet) par des requêtes documentaires5.

François Djindjian, Manuel d’archéologie, 2011.

L’archéologie, une fois effectuées les étapes scientifiques de fouille et d’analyse, donne lieu à une documentation sur le site et les objets découverts, qui forment les sources archéologiques.

Cette documentation prend la forme d’un recensement des sites archéologiques des communes d’une région, assorti de fiches regroupant les informations sur la localisation (commune et lieu-dit, coordonnées spatiales, parcelle cadastrale, etc.), l’inventaire des vestiges et leur datation, ainsi que l’historique des fouilles qui les ont mis au jour. Depuis les années 1950, chaque opération archéologique donne lieu à un rapport complet, document administratif intégré aux archives de la commune.

Plus récemment, l’essor des nouvelles technologies et de la numérisation a donné jour à des systèmes documentaires informatisés : des corpus de cartes, de photographies, de dessins, de relevés d’inscriptions, d’enregistrements sonores, etc., sont indexés en thésaurus (manuellement, ou par les méthodes analytiques et la fouille de textes), et deviennent facilement accessibles aux chercheurs. Ces nouvelles banques de données archéologiques multimédias, initiées dans les années 1970 à travers la constitution de corpus de métadonnées et de relevés d’inscriptions informatisées, constituent aujourd’hui de puissants instruments pour le progrès de la connaissance.

Muséographie et médiation : de l’objet au sens

La médiation de la pratique archéologique peut se faire de deux façons : soit par l’exposition muséale des objets, soit par la visite publique des sites archéologiques.

Élément didactique et symbolique fort, le site archéologique présente l’avantage de mettre en scène les objets anciens dans leur cadre de découverte, dans un contexte signifiant, et constitue « l’interface idéale entre le public et l’archéologie6 ». Ce type de médiation s’impose dans le cas où la valeur archéologique tient surtout à des restes de monuments ou d’infrastructures anciennes : aqueducs ou voies romaines, etc.

Le musée, pour sa part, permet d’expliquer et de documenter plus précisément l’époque et le contexte historique, en maîtrisant, à travers la muséographique, une certaine « mise en scène » des objets, qui sont par ailleurs porteurs de significations multiples. Les objets archéologiques présentent en effet une dimension à la fois technologique (par leur fabrication ou leur usage), esthétique (objets d’art), mais aussi culturelle et symbolique : les artefacts sont des objets investis de sens (sémiophores), d’usages sociaux et culturels, autrement dit porteurs d’une signification culturelle, qui leur donne une importance centrale pour dessiner une image des sociétés passées.

À ce titre, la muséologue Sara Arsenault7 distingue trois aspects de la mise en valeur des objets témoins dans le cadre d’une exposition archéologique : d’une part, la scénographie qui consiste dans le choix et la disposition des témoins archéologiques issus des fouilles ; l’interprétation d’autre part, qui accompagne la présentation des objets d’un appareil explicatif décrivant les attributs intrinsèques (type d’objet, matériaux, etc.) mais aussi extrinsèques (usages sociaux, valeurs associées) afin de dessiner la signification culturelle des témoins présentés. Enfin, la médiation proprement dite qui incite le visiteur à investir à son compte le raisonnement de l’archéologue, à s’interroger et « jouer mentalement » avec les témoins matériels présentés. C’est un versant à la fois ludique et émotionnel, qui prolonge la simple présentation d’informations.

La disposition scénographique devra ainsi veiller à présenter le contexte des fragments archéologiques, notamment en associant artefacts et écofacts, en intégrant les témoins d’origine naturelle dans la mise en scène de l’outil ou de la pièce de poterie : par exemple, dans le cas d’un récipient ancien, « (…) les graines de fruits trouvées en association avec une terrine [devraient] être exposées ». Autrement dit, pour que l’exposition joue son rôle, il est important de prêter attention aux critères qui sélectionnent la part des vestiges exhumés qui entrent dans la collection muséale.

Sur le plan de l’interprétation, il s’agit de « faire signifier les artefacts », en rendant accessible le savoir archéologique qui les entoure à travers des supports didactiques (textes, cartes, schémas…). L’interprétation expose donc les principales hypothèses des chercheurs quant à l’objet exposé, de son utilisation pratique à son rôle social. Il s’agit en d’autres termes de présenter les objets comme la partie d’un tout.

Au-delà de l’information véhiculée, l’exposition doit permettre au public de s’impliquer dans le savoir qui est mis en œuvre : cela consiste d’abord à justifier les interprétations les plus récentes en les étayant d’explications ; autrement dit, à expliquer pour impliquer. Mais l’exposition doit aussi faire appel à la sensibilité et aux savoirs émotionnels des visiteurs, en valorisant leur réflexion personnelle – ce qui contribue à présenter le musée comme un lieu accessible, qui concerne chacun en raison de sa portée culturelle, symbolique, imaginaire…, et non simplement savante.

À partir de ces trois aspects, Arsenault propose une typologie des expositions, selon l’accent qu’elles mettent sur tel ou tel des plans de la muséographie : expositions généralistes (où les aspects scénographiques, interprétatifs et de médiation sont présents sans être approfondis), archéomédiatives (qui valorisent particulièrement l’élaboration savoir associé aux artefacts, ainsi que le travail de terrain de l’archéologue, en incitant le public à s’y intéresser), et enfin interprétatives (lorsque « les concepteurs s’efforcent de replacer les objets dans leur contexte d’origine et de dévoiler la signification »). La typologie proposée par Arsenault complète d’autres typologies antérieures, comme celles de Jean Davallon (muséologie d’objets, de savoir et d’usage social) ou de Krzysztof Pomian (archéo-artistique versus archéo-technologique).

Encadrement de l’archéologie en France

Soumise à autorisation, une opération archéologique se déroule en France sous le contrôle scientifique et technique de l’État, et donne lieu à un rapport scientifique.

L’autorisation est accordée au responsable de l’opération, en tenant compte du projet de recherche, de ses compétences, de la composition de son équipe et de l’avis de la Commission territoriale de la recherche archéologique. Elle indique l’emplacement de la fouille, sa surface et sa durée, ainsi que les exigences scientifiques à respecter.

Pour les opérations terrestres et pour les opérations en rivière, en lac ou dans les eaux intérieures, l’autorisation est délivrée par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) après avis de commission territoriale de la recherche archéologique (CTRA) sur le projet de recherche présenté.

Pour les fouilles en mer, l’autorisation est délivrée, après avis de la Commission territoriale de recherches archéologiques (CTRA), par le Département des recherches subaquatiques et sous-marines (Drassm), qui est un service du ministère de la Culture.


André Roussainville


Notes

Note 1. Luc Benoist, Musées et muséologie, Paris, puf, « Que sais-je ? », 1960.

Note 2. Krzysztof Pomian, « Collection : une typologie historique », Romantisme, 2001/112.

Note 3. Jean-Paul Demoule, « Archéologie (Archéologie et société) - Histoire de l’archéologie », Encyclopædia Universalis, 2022.

Note 4. Deux exemples : Laurent Olivier, Nos Ancêtres les Germains. Les archéologues au service du nazisme, Paris, Tallandier, 2012, dans le cas du nazisme ; et Antoinette Molinié, « L’instrumentalisation des sites archéologiques incas. Questions d’éthique », Revue canadienne de bioéthique, vol. 2, no 3, 2019, p. 57–65, dans le contexte de l’indépendance du Pérou.

Note 5. François Djindjian, Manuel d’archéologie, Paris, Armand Colin, « Collection U », 2011, p. 80.

Note 6. Sara Arsenault, « Vers une nouvelle typologie des expositions archéologiques », Muséologies, 1/1, 2006.

Note 7. Ibid.


Entités nommées fréquentes : France, CTRA, Paris, Arsenault.


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